CAN 2023: Les personnes handicapées, « meilleurs supporters », souhaitent jouer leur partit
- Rédacteur web ONG Espoir Handicap

- 13 mai 2023
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Abidjan, 11 mai 2023 (AIP)- Les personnes handicapées souhaitent une prise en compte de leurs préoccupations portant sur les difficultés de mobilité et d’accessibilité aux infrastructures socio-sportives, pour une participation active à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023, qu’organisera la Côte d’Ivoire du 13 janvier au 11 février 2024, souligne le président de l’ONG Espoir handicap, Tiéhi Laurent dans une interview accordée à l’AIP.
M. Tiéhi, vous initiez en juin une journée de réflexion sur la participation des personnes handicapées à la prochaine CAN. Mais avant d’en venir à cet évènement, pouvez- vous revenir sur les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes handicapées en termes de mobilité et d’accessibilité aux activités socio-culturelles, économiques et sportives?
Parlant de la mobilité des personnes vivant avec un handicap, nous savons qu’aujourd’hui il s’agit de l’un des plus grands problèmes que rencontrent ces personnes en Côte d’Ivoire. Nos autorités fournissent beaucoup d’efforts, mais il reste beaucoup à faire. Nous saluons le ministre du Tourisme qui a imposé dans les cahiers de charges de tous les établissements hôteliers, des rampes pour améliorer l’accessibilité des locaux aux personnes en mobilité réduite. Nous espérons que d’autres ministres vont faire autant dans leurs différents départements. Après diverses activités menées par les organisations comme la nôtre, on constate que les choses avancent plus ou moins, mais on en veut davantage.
Qu’est-ce qui est compris dans ce « davantage »?
Nous voyons que depuis un certain temps, beaucoup d’immeubles sortent de terre avec des rampes. On a été très heureux de voir la maison de la presse avec une rampe « superbe ». Nous voulons communiquer pour que cela soit ainsi pour tous les immeubles. Nous savons qu’installer des rampes coûtera un peu cher.
Nous sommes d’accord, mais nous prenons en exemple le commissariat du 1er arrondissement du Plateau où en plus de l’escalier, une rampe a été installée, et aujourd’hui tout le monde utilise ces rampes, qui sont aussi pratiques mêmes pour les personnes dites « valides ».
Nous savons que le fauteuil roulant aide à la mobilité des personnes handicapées, comment s’en procurer?
Pour une personne handicapée, souvent vulnérable comme la majorité des personnes handicapées, avoir un fauteuil roulant qui coûte entre 300.000 et 350.000 FCFA, est difficile voir impossible. Fort heureusement, il y a certaines ONG qui sont engagées dans ce domaine, comme « Ville debout » qui octroie des fauteuils.
roulants à moindre coût. Mais il faut que la personne se déplace pour que l’on sache quel type de fauteuil il lui faut. On ne peut pas offrir des fauteuils roulants sans une consultation médicale préalable. Il faut prendre les mesures de l’individu pour que le fauteuil soit adapté à son handicap. Si un bienfaiteur achète un fauteuil aux abords d’une route et l’offre à une personne handicapée, il peut le faire par bonté mais pas forcément pour le bien- être de celle-ci. Vous voyez, c’est le cas souvent de personnes qui ont de grands fauteuils et qui se retrouvent, toutes petites au milieu.
D’un autre côté, pour ceux qui peuvent s’offrir des véhicules, il n’existe pas de concessionnaires qui proposent ou importent des véhicules adaptés aux conditions des handicapés. Cela se fait ailleurs, mais pas encore en Côte d’Ivoire. Ces concessionnaires estiment que ce type de commerce n’est pas rentable. Nous avons des personnes handicapées, cadres d’administration qui veulent avoir eux-mêmes leurs véhicules pour être plus autonomes, mais qui ne le peuvent pas. Il y a quelques individus qui ont leurs véhicules grâce à des parents vivant en Europe, sinon aucun concessionnaire ne veut s’avancer sur ce marché.
Comment se présentent ces véhicules?
Ce sont les mêmes véhicules, mais il y a des mécanismes qui sont mis en place en fonction du handicap de l’individu.
En général, quelles sont les difficultés que rencontrent les personnes handicapées quant à leur participation à des événements culturels, sportifs ou économiques de grande envergure ?
Il y a d’abord le problème de transport. Comment se rendre sur les lieux de déroulement des activités ? Heureusement que la Société des transports abidjanais (SOTRA) fait d’énormes efforts pour faciliter la mobilité des handicapés. En outre, les véhicules de transport avec conducteurs (VTC) aident beaucoup. Ces promoteurs considèrent cette tranche de la population comme une marge de clientèle qu’ils peuvent récupérer par rapport aux taxis compteurs classiques qui rechignent à les prendre, considérant qu’ils perdent du temps pour leur embarcation. Les VTC sont, eux, en quête de profit, donc plus ouverts.
Il y a les difficultés pour se rendre sur les lieux des activités, mais une fois cette difficulté franchie, se présente le défi des salles, et là encore on revient au problème lié à l’inexistence de rampes.
Maintenant, pour la prochaine CAN, quels sont vos souhaits pour une participation active des personnes handicapées ?
TH: Nous avons adressé une demande d’agrément au Comité d’organisation de la CAN (COCAN) pour une formalisation de la participation des personnes handicapées à cette compétition. Maintenant, le Directeur administratif et financier (DAF) nous a reçus et nous a demandés de produire un cahier de collaboration dans lequel nous avons mentionné certains éléments.
Nous avons demandé que les stades soient accessibles. On a demandé qu’on puisse avoir des tickets réduits, on ne demande pas la gratuité. On a demandé qu’on puisse avoir des stands dans le village CAN, car nous avons au sein des personnes handicapées beaucoup d’artisans qui peuvent vendre leurs produits pour se prendre en charge.
Nous proposons aussi de mettre à la disposition du COCAN, la plateforme des journalistes engagés pour la protection des droits des personnes handicapées. Nous avons demandé aussi à visiter tous les stades afin que nous puissions faire l’audit de toutes ces infrastructures, parce que les opérateurs font leur travail, mais nous qui sommes pratiquants, nous pouvons leur fournir un audit.
A ce sujet, il a été dit que le stade de Yamoussoukro, qui a été dernièrement livré, est homologué selon les normes internationales. Le stade de Bouaké a aussi été homologué, mais nous voulons qu’on y intègre nos recommandations. Les stades ont été homologués sans qu’on y fasse une visite pour voir s’ils sont aux normes. Nous avons les images de Yamoussoukro qui nous satisfassent. Nous espérons que tous les six stades soient construits comme celui de Yamoussoukro, qui est homologué.
De façon concrète, quelles sont les commodités que vous souhaitez voir dans un stade ?
Il s’agit des panneaux de signalisation, des parcs dédiés aux personnes handicapées. On nous dit que c’est prévu, tant mieux. On a besoin d’une passerelle, parce que les personnes handicapées ont besoin d’être encadrées au départ, pendant et à la fin des matchs. Certaines dispositions ont été acceptées en théorie, maintenant il reste la faisabilité des ces dispositions. C’est pourquoi nous demandons une rencontre avec le COCAN pour acter tout ceci.
Quelles sont vos satisfactions à ce jour relativement à la CAN ?
Nous sommes déjà heureux que le Ministre Amichia François ait donné son accord pour participer au panel portant sur le thème, « Assistance et acquisition de véhicules adaptés pour les personnes handicapées en période de la CAN » qui aura lieu le mardi 13 juin 2023 au District d’Abidjan. Il s’agira de susciter une prise de conscience pour une véritable prise en compte des personnes en situation du handicap dans la politique du transport en Côte d’Ivoire et période de la CAN 2023.
Aussi si les infrastructures déjà livrées répondent-elles aux normes internationales, nous en sommes heureux.
Vous qui côtoyez presque au quotidien les personnes en situation de handicap, cette frange de la population est-elle réellement sportive ?
Oui bien sûr, elles sont très heureuses d’accueillir cette compétition, elles sont déjà mobilisées et très motivées. Elles veulent aller dans toutes les villes du pays où se déroule la CAN à savoir Abidjan, Bouaké, Korhogo, San-Pedro et Yamoussoukro. Mais qu’est-ce qu’on leur propose pour faciliter leur participation ?
Nous voulons jouer notre partition dans l’organisation et le déroulement de cette CAN afin qu’elle soit la meilleure CAN. Les personnes handicapées sont les meilleurs supporteurs, de vrais fanatiques du sport, il faut le savoir.
(AIP)



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